Rentrée littéraire 2023
De l'empreinte bouleversante d'une main humaine datée du paléolithique dans la grotte Cosquer (28 000 ans avant notre ère) à la pipe peinte en 1929 par René Magritte prévenant que "Ceci n'est pas une pipe", les images ne cessent de nous renvoyer aux mêmes questions essentielles : qu'est-ce que représenter ? Imiter et figurer, est-ce la même chose ? Quel est le rapport entre l'objet ou la personne représentés et leurs images ? Ces questions semblent hors du temps, alors que les images, leurs formes et leurs usages se montrent étroitement dépendants des époques et des cultures particulières qui les produisent. Ainsi en va-t-il dans la chrétienté médiévale, entendue comme une formation sociale et culturelle dont on ne préjuge pas des limites chronologiques, pour souligner au contraire son empreinte durable jusque sur nos comportements et nos représentations aujourd'hui. Au "Moyen Âge", la question de l'image se rapporte toujours, de près ou de loin, à l'Incarnation du Fils de Dieu. Contre l'interdit judaïque de la représentation, la "figure" du Christ donne sens à toutes les autres images. Et par ricochet, son corps" sacramentel donne corps à la matière (bois, métal, textile, parchemin) des peintures et des statues innombrables et désirables de la Vierge et des saints. Ainsi la figure et le corps tracent dans les motifs et la matière des images, des chemins qui, en se croisant, invitent le lecteur à un parcours sinueux dans le temps long de l'histoire.
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Si l'importance des images à travers l'Histoire n'est plus à démontrer, Jean-claude Schmitt s'attache ici à nous expliquer comment celles-ci prennent forme au Moyen-Age, démontrant par là, au-delà des enjeux liés alors à la figuration, l'importance de leurs fonctions et de leurs effets. Considérations qui intègrent par la suite une réflexion autour de la matérialité du support imagé et la manière dont rites et croyances sont représentés en chrétienté. Une belle leçon d'Histoire dont la plaisante érudition entraîne le lecteur avec elle.
Lorsque la police arrive, la scène du crime est glaçante : 85 coups de couteau et une gamine de treize ans. Mais ce n'est pas la victime... c'est la meurtrière. Elle est restée là, le poignard encore levé, un sourire diabolique aux lèvres. Quand d'autres crimes violents sont commis par des jeunes collégiens, l'inspectrice Teresa Brusca demande au commissaire Strega, suspendu suite à un "accident", d'enquêter officieusement avec elle. Très vite, Strega a l'intuition que ces adolescents tueurs sont unis par un secret. Mais lui aussi a sa part d'ombre. Brillant policier, il est obsédé par un besoin inassouvi de justice qui le met parfois en rage. Face à ces crimes d'enfants, il est prêt à tout pour apaiser en lui le chant assourdissant des victimes.
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On aimerait savoir lire l'italien pour lire tous ses romans non encore traduits ! Un thriller hyper-efficace que vous ne lâcherez pas. J'adore cet auteur italien !
« Tu dois devenir celui que tu es *. »
La formule est célèbre mais paradoxale : ne suis-je pas déjà moi-même ? Qui donc pourrait être cet « autre moi » que l'on m'enjoint d'atteindre ? De Pindare à Nietzsche, de Freud à Deleuze, en passant par Socrate et Rousseau, les philosophes se sont interrogés sur ce mot d'ordre.
Pour Dorian Astor, devenir soi ne signifie pas qu'il faille devenir maître de son destin, ni même qu'on doive devenir quelque chose ou quelqu'un. Devenir ce que l'on est, c'est aussi et surtout une disposition qui nous élève, une manière d'être plus libre.
* Nietzsche, Le Gai Savoir, § 270.
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Cette célèbre formule de Pindare, reprise par Nietzsche, a de quoi interpeller. Elle prête en tous les cas depuis l'Antiquité et comme ce stimulant essai le démontre, à de multiples interrogations dont celle, essentielle, touchant au principe d'individuation ; ce qui nous fait exister par delà les problèmes et contingences auxquels nous expose le réel. Riche programme !
Comme un long songe d'hiver, ce nouveau roman de Han Kang nous fait voyager entre la Corée du Sud contemporaine et sa douloureuse histoire.
Un matin de décembre, Gyeongha reçoit un message de son amie Inseon. Celle-ci lui annonce qu'elle est hospitalisée à Séoul et lui demande de la rejoindre sans attendre. Les deux femmes ne se sont pas vues depuis plus d'un an, lorsqu'elles avaient passé quelques jours ensemble sur l'île de Jeju. C'est là que réside Inseon et que, l'avant-veille de ces retrouvailles, elle s'est sectionné deux doigts en coupant du bois. Une voisine et son fils l'ont trouvée évanouie chez elle, ils ont organisé son rapatriement sur le continent pour qu'elle puisse être opérée de toute urgence. L'intervention s'est bien passée, son index et son majeur ont pu être recousus, mais le perroquet blanc d'Inseon n'a pas fait le voyage avec elle et risque de mourir si personne ne le nourrit d'ici la fin de journée. Alitée, elle demande donc à Gyeongha de lui rendre un immense service en prenant le premier avion à destination de Jeju afin de sauver l'animal.
Malheureusement, une tempête de neige s'abat sur l'île à l'arrivée de Gyeongha. Elle doit à tout prix rejoindre la maison de son amie mais le vent glacé et les bourrasques de neige la ralentissent au moment où la nuit se met à tomber. Elle se demande si elle arrivera à temps pour sauver l'oiseau d'Inseon, si elle parviendra même à survivre au froid terrible qui l'enveloppe un peu plus à chacun de ses pas. Elle ne se doute pas encore qu'un cauchemar bien pire l'attend chez son amie. Compilée de manière minutieuse, l'histoire de la famille d'Inseon a envahi la bâtisse qu'elle tente de rejoindre, des archives réunies par centaines pour documenter l'un des pires massacres que la Corée ait connu - 30 000 civils assassinés entre novembre 1948 et début 1949, parce que communistes.
Impossibles adieux est un hymne à l'amitié, un éloge à l'imaginaire, et surtout un puissant réquisitoire contre l'oubli. Ces pages de toute beauté forment bien plus qu'un roman, elles font éclater au grand jour une mémoire traumatique enfouie depuis des décennies.
Traduit du coréen (Corée du Sud) par Kyungran Choi et Pierre Bisiou
30 prêts - 60 mois
Un grand roman pudique, délicat et poétique, porté par une écriture ciselée qui vous envoûte.
Entre rêve et réalité, mémoire et oubli, suivez le fil conducteur silencieux de la neige.
Han Kang raconte la Corée avec un talent fou !
« L'agente immobilière m'avait prévenue : parapher la page 3 de mon bail n'allait sûrement pas me plaire. Il y était écrit que je m'engageais à occuper mon nouvel appartement "en bon père de famille". Un bon père de famille, c'est un personnage de droit qui représente la norme, le neutre universel autour duquel on structure la société. C'est à ce moment-là que tout s'est connecté : quand on m'a contrainte, par écrit, à faire allégeance à un système qui place la moralité des pères au centre, en niant mon vécu et celui de millions de femmes et d'enfants victimes de leur violence. Car finalement, qui était mon père ? Un héros parti trop tôt ? Un monstre misogyne coupable de violences ? La réalité se situe au-delà de ces stéréotypes. Il n'était ni un monstre ni un héros, c'était un homme statistiquement normal. Un bon père de famille. »
Dans cet essai à la première personne où s'entremêlent intime et politique, Rose Lamy montre comment les bons pères de famille, en tant qu'individus et en tant que classe sociale, maintiennent le silence autour des violences intrafamiliales. Avec ce nouveau livre où l'on retrouve la finesse d'analyse qui fait son succès, elle achève de s'imposer comme l'une des voix incontournables du féminisme contemporain.
Rose Lamy est l'autrice de Défaire le discours sexiste dans les médias (Lattès, 2021 ; Points, 2022).
30 prêts - 60 mois
Rose Lamy interroge ici la figure du bon père, que l'on oppose à l'autre, au monstre, au déviant. Elle montre alors qu'il s'agit d'une stratégie particulièrement efficace pour cacher la banalité des violences masculines et intrafamiliales, permettant également à ce qu'elle appelle le fémonationalisme d'instrumentaliser ces violences. Un ouvrage intime et politique qui apporte de vraies pistes de réflexion !
Une étrange tour au sommet d'une colline, des signaux lumineux et une enfant perdue dans la forêt...
Alors qu'ils espéraient prendre un nouveau départ à Vista Point, loin du tumulte de la ville, Zack et sa famille s'aperçoivent que leur nouvelle vie leur réserve beaucoup de mystères. Et c'est une bonne chose ! Car les enfants Einstein ont une passion dans la vie : explorer et comprendre le monde qui les entoure.
30 prêts - 120 mois
Faites la rencontre de la famille Einstein ! Pendant que les parents rénovent une vieille maison, la fraterie explore les alentours. Entre une mystérieuse tour, un message codé et des signaux lumineux intrigants, ils n'ont qu'une envie : en savoir plus !
Une famille attachante et tendre pour une lecture pleine de mystère !
Dès 10 ans.
« Dans l'avion, au moment du décollage, j'observe les passagers. Certains pleurent. Les visages sont tristes, fatigués. Très vite, un grand silence s'installe. L'inquiétude, la violence de la situation écrasent tout désir de conversation. Plus personne n'ose parler. Puis, derrière les hublots, la nuit apparaît. Si soudainement que nous n'avons pu voir la terre algérienne s'éloigner. Cette terre déjà absente. Ainsi, je n'ai pas conservé dans ma mémoire la "dernière image" d'un pays disparu.
Il fait nuit, encore, lorsque nous arrivons à Orly. Mon oncle Robert nous y attend. En guise d'accueil, une hôtesse de la Croix-Rouge offre à chacun de nous un bonbon. Nous étions en France et, à défaut de Ville Lumière, installé sur la banquette arrière, à travers la vitre de la voiture, je contemplais la noirceur du périphérique jusqu'à notre destination, Montreuil, en banlieue parisienne... »
En une dizaine d'années, le jeune Benjamin Stora passe de l'enfance à l'âge adulte, de Constantine en guerre au Paris de Mai 68. Il raconte sa propre histoire, celle d'un exil et de l'apprentissage d'un homme qui va embrasser une nouvelle vie.
25 prêts - 3650 jours
Quel beau et passionnant témoignage que nous offre ici Benjamin Stora, dont la famille s'exile en France, au lendemain de l'Indépendance, alors qu'il est à peine âgé de 12 ans. C'est le passage délicat de l'enfance à l'âge adulte dont il est question ici, entre acculturation réussie et premiers engagements politiques. Avec humilité et talent narratif, l’auteur évoque aussi mémoire algérienne et mémoire familiale, toutes deux intimement liées, sans doute à l'origine de sa vocation d'historien.
Tant d'histoires commencent de la même façon...
Une prophétie. Un Élu. Puis la sempiternelle quête pour terrasser l'ennemi, sauver le royaume et accomplir un immense destin.
Mais notre histoire n'est pas de ce genre-là...
Il y a bien une prophétie au tout début.
« Un enfant se lèvera pour vaincre le Khan éternel, le roi divin cruel et immortel, et sauver le royaume. »
La prophétie désigne un héros - le jeune Jian, élevé dans le luxe et la magnificence depuis le jour de sa naissance, loué et vénéré avant même d'avoir remporté une seule bataille.
Mais c'est là que notre histoire commence à dévier. Car la prophétie est erronée...
Ce qui s'ensuit est un récit plus extraordinaire et merveilleux que ce qu'aucun augure n'a jamais annoncé, avec une galerie de héros plus inattendus les uns que les autres.
Taishi, une vieille femme frêle et fragile, la plus illustre grande-maîtresse des arts martiaux magiques de tout le royaume, qui croyait que l'aventure était pour elle chose révolue.
Sali, une guerrière un brin guindée qui découvre que les règles ne s'appliquent plus quand le seigneur à qui elle a voué sa vie a disparu.
Qisami, une assassin chaotique qui prend peut-être un peu trop de plaisir dans l'exercice de son métier.
Et puis, Jian lui-même, à qui échoit la lourde tâche de trouver un moyen de devenir ce qu'il ne pensait plus jamais pouvoir être - un héros malgré tout.
« Vous serez captivés. » - Robin Hobb
« Une exploration ambitieuse et touchante de la désillusion envers foi, tradition et famille - une réinvention glorieuse de la fantasy et du wuxia. » - Naomi Novik
« Spectaculaire, drôle, intelligent... Un véritable coup de poing, littéralement. » - Kirkus
« Subtil, intense et sombre. » - The Quill to Live
« Un tour de force de wuxia, une vaste fresque envoûtante à l'égal de La Grâce des rois. » - Gizmodo
20 prêts - durée illimitée
Jian, héros de la prophétie, sauveur du royaume et spolié depuis son plus jeune âge, se doit de fuir s'il veut survivre lorsque la prophétie se révèle fausse. Démarre alors une quête pour la survie, la vérité et peut-être aussi la protection du royaume... finalement.
Roman de fantasy passionnant et aux personnages aussi surprenants qu'attachants.
J'ai adoré !
Le 3 juin 1539, le conquistador espagnol Hernando de Soto enfonce son épée dans le sol de La Florida et se proclame gouverneur officiel, adoubé par le roi Charles Quint. Au terme d'un périlleux voyage, après avoir bravé la fougue de la mer et la rage de ses ennemis, le voilà enfin face à son destin. À lui les richesses, à lui la gloire, il bâtira là une nouvelle cité qui portera son nom. Aveuglé par l'ambition, obsédé par l'or, de Soto déferle sur les terres avec ses conquistadors. Mais ces nouvelles contrées se révèlent hostiles, peuplées de Cherokees qui se battent farouchement. Face à l'avidité des espagnols, leur résistance se nourrit des mystères de la création et de mythes. Comme celui de l'Enfant Sauvage qui renaît chaque jour, et avec lui, la soif salvatrice de sang.
25 prêts - 3650 jours
David Vann déconstruit le mythe des conquistadors espagnols : dans cette quête vaine d'or en Floride, il illustre le premier contact des cherokees avec l'homme blanc, fait d'arrogance et de cruauté. Brillant et habile !
C'est enfin la liberté et l'insouciance pour Juliette, Chloé, Manon et Thaïs : les premières vacances entre amies, à l'autre bout du monde - l'Afrique du Sud. Mais celles-ci vont être de courte durée : l'une d'entre elles est enlevée au bout de quelques jours et sauvagement assassinée. Alors que l'enquête commence au Cap, les proches de la victime, évoluant dans le milieu feutré et trompeur de l'édition parisienne, tentent douloureusement de faire leur deuil. Véritable déflagration familiale, la mort de la jeune fille encourage les protagonistes à se dévoiler peu à peu, et souvent pour le pire.
Tandis que ses personnages se débattent avec leurs pulsions, de lourds secrets en révélations inattendues, Jérémy Fel pousse ses lecteurs dans leurs retranchements et les invite à s'interroger sur l'origine du mal et ses effets sur l'âme humaine.
Jérémy Fel est l'auteur de trois romans publiés aux éditions Rivages, Les Loups à leur porte (prix Polar en séries 2016), Helena (2018) et Nous sommes les chasseurs (2021).
30 prêts - 2555 jours
Ce roman aux allures de thriller est en fait l'effondrement d'une famille. Avec une maitrise implacable, Jérémy Fel sème des pistes, révèle des secrets de famille et piège son lecteur. C'est captivant et très réussi, on ne lâche plus ce livre !
Quand, du haut de ses quinze ans, Ortie se retournait sur son enfance, c'était là qu'elle se retrouvait : sur le sofa de Tante Viv, entre ses deux soeurs. Épine, préadolescente aussi brillante que contradictoire, source infinie de portes claquées, qui remplissait 90 % de l'attention de leur sorcière de mère.
Et la petite Ronce, qui avait une façon bien personnelle d'occuper les 10 % restants. C'est à cette époque-là que tout a vrillé. Là qu'Ortie a commis un impair de catégorie supérieure, qui lui a pavé la voie vers de très sérieux problèmes.
Premier tome d'un diptyque de fantasy inventif, chaleureux et trash : une histoire de sorcières qui renouvelle le genre, par l'autrice de Bordeterre.
25 prêts - 3650 jours
Une histoire de sorcières ultra originale et absolument géniale ! Julia Thévenot signe une vraie pépite, inventive et superbement écrite, et nous entraîne aux côtés d'Ortie, une jeune sorcière qui va faire une énorme bourde aux répercussions catastrophiques... On adore ! Dès 13 ans
Décembre 1941. René Blum est arrêté à son domicile parisien avec le concours de la police française, au cours d'une vaste rafle de notables de confession juive. Il est déplacé des camps d'internement français à celui d'Auschwitz, où il perd la vie.
Frère cadet de Léon Blum, la grande figure du Front populaire, René Blum est un homme de son temps, au service des arts. Tour à tour journaliste et critique à la Revue blanche et à Gil Blas, il fut aussi directeur artistique de casinos et du théâtre de Monte-Carlo - où il succéda à Diaghilev à la direction des Ballets russes. Il fréquenta aussi bien les écrivains que les peintres et les musiciens avant-gardistes. Profondément humaniste et courageux, il mena pourtant une vie de famille chaotique.
Un premier roman riche, passionnant, qui nous fait découvrir les multiples facettes de ce personnage historique méconnu dont l'engagement pour son pays fut considérable.
25 prêts - 3650 jours
L'auteur retrace la vie du frère de Léon Blum faite d'art, d'espoir et de désespoir. D'une écriture juste et prenante nous passons des périodes heureuses de sa vie à l'enfer de la captivité et de la Shoah. Un livre pour ne pas oublier.
Ce poignant récit s'ouvre sur un vol d'étourneaux dont le murmure dans une langue secrète fait écho à toutes les migrations et surtout à celle d'aïeux, partis d'un village d'Inde en 1872 pour rejoindre l'île Maurice.
C'est alors le début d'une grande traversée de la mémoire, qui fait apparaître autant l'histoire collective des engagés indiens que l'histoire intime de la famille de Nathacha Appanah. Ces coolies venaient remplacer les esclaves noirs et étaient affublés d'un numéro en arrivant à Port-Louis, premier signe d'une terrible déshumanisation dont l'autrice décrit avec précision chaque détail. Mais le centre du livre est un magnifique hommage à son grand-père, dont la beauté et le courage éclairent ces pages, lui qui travaillait comme son propre père dans les champs de canne, respectant les traditions hindoues mais se sentant avant tout mauricien.
La grande délicatesse de Nathacha Appanah réside dans sa manière à la fois directe et pudique de raconter ses ancêtres mais aussi ses parents et sa propre enfance comme si la mémoire se délavait de génération en génération et que la responsabilité de l'écrivain était de la sauver, de la protéger. Elle signe ici l'un de ses plus beaux livres, essentiel.
25 prêts - 3650 jours
La beauté et la force de ce livre trouvent leur source dans la délicatesse avec laquelle l'autrice fait de cette histoire familiale si singulière un récit universel : Magnifique !
"En lui, la musique parlait français depuis qu'il l'avait vécue en France. En se livrant à la conversation avec Hortense, il avait la sensation d'interpréter un duo avec elle, sensation qu'il ne connaissait pas lorsqu'il s'exprimait dans sa langue maternelle, le japonais."
Pamina est une jeune luthière brillante, digne petite-fille d'Hortense Schmidt, qui avait exercé le même métier au Japon pendant la Seconde Guerre mondiale. Embauchée dans l'atelier d'un fameux luthier parisien, Pamina se voit confier un violoncelle très précieux, un Goffriller. En le démontant pour le réparer, la jeune femme découvre, dissimulée dans un tasseau, une lettre qui la mènera sur les traces de destins brisés par la guerre. Des mots, écrits à la fois pour résister contre l'oppresseur et pour transmettre l'histoire d'un grand amour, auront ainsi franchi les frontières et les années. Les histoires entremêlées des personnages d'Akira Mizubayashi, tous habités par une même passion mélomane, pointent chacune à sa façon l'horreur de la guerre. La musique, recours contre la folie des hommes, unit les générations par-delà la mort et les relie dans l'amour d'une même langue.
25 prêts - 3650 jours
Akira Mizubayashi conclut son cycle en mettant le violoncelle à l'honneur (Âme brisée, Reine de coeur).
Une écriture délicate autour de la musique et de la mémoire portée par des personnages attachants.
"In terra pax hominibus bonae voluntatis.Bona nobis pacem"
Je sais seulement que cela fut. Que ces deux bouches un jour de printemps s'embrassèrent. Que ces deux corps se prirent. Je sais que Malusci et cette femme s'aimèrent, mot dont je ne peux dire exactement quelle valeur il faut lui donner ici, mais qui dans tous les cas convient, puisque s'aimer cela peut être mille choses, même coucher simplement dans une grange, sans autre transport ni tendresse que la fulgurance d'un désir éphémère, l'éclair d'un plaisir suraigu, dont tout indique que Malusci et cette femme gardèrent longtemps le souvenir. Je sais que de ce plaisir naquit un enfant, qui vit toujours, là-bas, près du lac. Et que ce livre est comme un livre vers lui.
25 prêts - 3650 jours
Beau, doux et mélancolique. Bonheur de retrouver cet auteur si talentueux ! Un livre magnifique sur l'amour, l'abandon, les secrets de famille et le cadeau d'être proches. Coup de cœur !
Un fils apprend au téléphone le décès de son père. Ils s'étaient éloignés : un malentendu, des drames puis des non-dits, et la distance désormais infranchissable.
Maintenant que l'absence a remplacé le silence, le fils revient à Trappes, le quartier de son enfance, pour veiller avec ses soeurs la dépouille du défunt et trier ses affaires. Tandis qu'il débarrasse l'appartement, il découvre une enveloppe épaisse contenant quantité de cassettes audio, chacune datée et portant un nom de lieu. Il en écoute une et entend la voix de son père qui s'adresse à son propre père resté au Maroc. Il y raconte sa vie en France, année après année. Notre narrateur décide alors de partir sur les traces de ce taiseux dont la voix semble comme resurgir du passé. Le nord de la France, les mines de charbon des Trente Glorieuses, les usines d'Aubervilliers et de Besançon, les maraîchages et les camps de harkis en Camargue : le fils entend l'histoire de son père et le sens de ses silences.
30 prêts - 2190 jours
Un roman sur l'héritage identitaire avec un échange épistolaire modernisé. Court, intense et rythmé !
Jeanne du Barry (1745-1793) est une énigme. On l'a enfermée dans une légende noire. On en a fait la dernière maîtresse, surgie des bas-fonds, d'un vieux roi jouisseur et décrié. Une honte et un scandale. Il faut aller aux sources pour s'apercevoir de la place capitale qu'elle a occupée à une époque de quasi-perfection des arts, en pleine crise de l'absolutisme monarchique, dans les dernières années du règne de Louis XV. On l'a réinventée pour mieux discréditer le roi, elle s'est réinventée pour oublier les incertitudes de sa naissance. Son existence tient tout à la fois du jeu de piste et de l'enquête policière. Avec elle, on corne les pages de certaines questions essentielles d'un siècle qui est aussi celui de la Révolution: l'identité et l'illégitimité, les sentiments et l'ambition, le libertinage et la morale, l'argent et le pouvoir, la place des enfants et l'invention de l'intimité, la puissance de la presse et la formation de l'opinion, la transparence et le secret, le rôle des femmes et la revanche des hommes.
La vie de Jeanne du Barry - son ascension foudroyante, sa fin tragique sur l'échafaud - est un roman. En chercheur d'archives inspiré, en historien accompli, en écrivain talentueux, Emmanuel de Waresquiel ne se contente pas d'en découvrir la part cachée, il en restitue toute l'intelligence et l'émotion. Ce livre est un magnifique portrait de femme. Il se lit comme un thriller.
25 prêts - 3650 jours
Dans ce livre enquête foisonnant, Emmanuel de Waresquiel nous fait entrer d'une plume alerte dans le labyrinthe d'une vie, celle de la comtesse du Barry, toute faite de dissimulation, d'ambition, de ténacité, d'amour des arts et des lettres ; loin de la réputation tapageuse tissée à son endroit...Une favorite pas comme les autres pour une biographie des plus passionnantes. Un régal !
L'impératif de dignité s'est imposé ces dernières années au coeur de nombreux mouvements (des Printemps arabes à Black Lives Matter) et débats de société (discriminations, travail, condition animale...). Mais simultanément les atteintes à la dignité se sont multipliées dans les institutions et les pratiques sociales (hôpitaux, EHPAD, prisons...). La promesse de dignité que la modernité annonçait semble ainsi avoir été trahie de façon répétée.
Face à cette menace d'un « devenir indigne » de nos sociétés, Cynthia Fleury pose les jalons d'une clinique de la dignité, pour établir un diagnostic philosophique et des solutions thérapeutiques au chevet des « vies indignes ». Convoquant aussi bien les écrits de James Baldwin, les théories du care ou les approches postcoloniales, cet essai invite à ne pas se résigner à l'inaction ou à la déploration. Il appelle à refonder le concept de dignité à partir de ses marges.
Passée au crible de la psychanalyse, de la littérature et des sciences sociales, l'exigence de dignité retrouve toute son actualité, et sa radicalité. Cette réflexion signe ainsi l'ouverture d'un nouvel agir politique, entièrement dédié à la reconquête d'une dignité en action à l'âge de l'anthropocène.
Cet essai est discuté et prolongé par une contribution inédite de Claire Hédon, Défenseure des droits, et par les regards de Benoît Berthelier, Benjamin Lévy et Catherine Tourette-Turgis.
30 prêts - 2190 jours
C'est peu de dire que la dignité, et son pendant inverse, l'indignité, nourrissent bon nombre de mouvements et de débats sociaux de ces dernières années. Le fossé est toujours béant pour les plus vulnérables, ceux dont la situation, la santé, la condition physique et mentale exposent à la perte de dignité. Avec le talent, l'acuité et l'approche multidisciplinaire qui est la sienne, Cynthia Fleury expose les tenants et la nécessité d'une clinique de la dignité; soit une refonte de la société qui servirait l'émancipation du sujet, sans critères d'âge ou de condition.
Visitación Salazar est l'extravagante, gigantesque et mythique fondatrice d'un cimetière illégal aux confins de la sierra orientale et de la sierra occidentale, quelque part en Amérique latine. Il est appelé le Tiers Pays et c'est là que veut absolument se rendre une jeune migrante, Angustias Romero. Après avoir traversé clandestinement le désert et la frontière avec sa famille, cette ancienne coiffeuse, qui a tout laissé derrière elle, se retrouve seule, épuisée, complètement perdue. Elle n'a plus qu'un but : donner une digne sépulture aux siens. Or, le cacique local, les passeurs, les guérilleros, les narcotrafiquants et les militaires voudraient faire disparaître le Tiers Pays et récupérer le contrôle d'une région où tous les trafics sont possibles. Mais c'est compter sans le courage de Visitación et d'Angustias - nos deux Antigone modernes -, qui vont s'allier pour affronter, par tous les moyens, cet univers masculin de domination, de violence et de corruption.
Après le succès de La fille de l'Espagnole, Karina Sainz Borgo signe ici un deuxième roman remarquable. Inspiré de faits réels, Le Tiers Pays offre une narration qui évolue au fur et à mesure que l'intrigue se développe et mélange brillamment les genres du témoignage, du thriller, du western et de la tragédie antique, avec un hommage à peine voilé à Faulkner et à Rulfo.
25 prêts - 3650 jours
À la frontière entre le Venezuela et la Colombie les laissés pour compte n'ont rien, même pas de quoi enterrer leurs morts. Entre guérilleros, trafiquants et politiciens corrompus, un récit puissant porté par le courage et la résolution des femmes.
"En quelques trimestres j'avais tourné casaque. Les Français m'évitaient, avertis par leurs parents des risques de mauvaise influence qu'ils couraient à me fréquenter. Pire, mes bulletins scolaires, ombre bien obscure, me qualifiaient de décadent et d'insolent. Devenu inapte à représenter ma classe, je laissai les professeurs m'achever lors du dernier conseil de l'année. On comparait mon apogée scolaire à la Renaissance ; un bon souvenir qui ne reviendrait jamais."
Placé à l'Aide sociale à l'enfance dès son plus jeune âge, Skander est un garçon curieux de tout, passionné par la lecture. Mais son destin bascule lorsqu'il atterrit à Courseine, en banlieue parisienne, chez la redoutable Madame Khadija. Au collège, il est entraîné malgré lui par les jeunes du Grand Quartier, qui abolissent sa boussole morale. La rue devient son royaume, et l'éloigne chaque jour davantage de ses rêves d'enfant...
Avec Les conditions idéales, Mokhtar Amoudi signe un roman d'apprentissage au charme irrésistible.
25 prêts - 3650 jours
Dans ce roman on pleure, on rit, surtout de l'analyse du monde par le jeune héros, sorte de Rastignac moderne. Une œuvre littéraire réussie et un grand coup de cœur !
En tendant un miroir à notre présent, Celeste Ng nous offre l'héritier, digne et déchirant, de La Servante écarlate.États-Unis d'Amérique, dans un futur pas si lointain. L'existence de tous est rythmée par des lois liberticides. Tout citoyen de culture étrangère est considéré comme dangereux pour la société.
Les livres tenus pour séditieux sont retirés des bibliothèques. À commencer par ceux de la poétesse Margaret Miu, disparue mystérieusement trois ans plus tôt. Bien décidé à la retrouver, son fils, Bird, aidé par un réseau clandestin de bibliothécaires, va peu à peu prendre conscience du sort des opprimés et de la nécessité impérieuse de porter leur voix.
Celeste Ng est de retour avec un nouveau roman bouleversant d'humanité et d'actualité. Sur fond de dystopie inquiétante mais porté par une écriture lumineuse, Nos coeurs disparus raconte le destin d'une famille en lutte pour raviver l'espoir et la justice dans une société qui a cédé au pire des conservatismes.
30 prêts - 2190 jours
Un livre d'une grande puissance tout en sobriété et en émotion sur la censure, le racisme, le totalitarisme. Mais aussi d'une extrême douceur et beauté sur l'amitié, l'amour, les enfants et le pouvoir libérateur de la littérature. Un livre aussi magistral que la servante écarlate. J'ai adoré !
« En 1977, alors que je travaillais à Libération, j'ai lu que le Centre d'éducation surveillée de Belle-Île-en-Mer allait être fermé. Ce mot désignait en fait une colonie pénitentiaire pour mineurs. Entre ses hauts murs, où avaient d'abord été détenus des Communards, ont été « rééduqués » à partir de 1880 les petits voyous des villes, les brigands des campagnes mais aussi des cancres turbulents, des gamins abandonnés et des orphelins. Les plus jeunes avaient 12 ans.
Le soir du 27 août 1934, cinquante-six gamins se sont révoltés et ont fait le mur. Tandis que les fuyards étaient cernés par la mer, les gendarmes offraient une pièce de vingt francs pour chaque enfant capturé. Alors, les braves gens se sont mis en chasse et ont traqué les fugitifs dans les villages, sur les plages, dans les grottes. Tous ont été capturés.Tous ? Non : aux premières lueurs de l'aube, un évadé manquait à l'appel.
Je me suis glissé dans sa peau et c'est son histoire que je raconte. Celle d'un enfant battu qui me ressemble. La métamorphose d'un fauve né sans amour, d'un enragé, obligé de desserrer les poings pour saisir les mains tendues. » S.C.
30 prêts - 60 mois
Sorj Chalandon à son meilleur pour raconter le bagne pour enfants de Belle-île. Une très grande puissance évocatrice et émotionnelle. J'ai adoré !
« On s'est tous retrouvés à la gare de la Part-Dieu vers sept-huit heures. Maman avait son rendez-vous en début d'après-midi et elle n'avait qu'une peur, le rater. Le GPS annonçait cinq heures de route. On est partis avec la Peugeot à sept places. Papa et Maman devant, et nous, les quatre enfants, derrière, comme à la belle époque. Il ne manquait que les scoubidous et les cartes Panini.Papa a toujours eu une conduite assez brusque mais alors là, on aurait dit qu'il le faisait exprès. De la banquette arrière, je voyais Maman, à l'avant. Elle ne disait rien mais, à chaque fois que Papa freinait, ou accélérait, son visage se crispait. J'en avais mal pour elle.À un moment, il y a eu une énorme secousse, c'est sorti tout seul, je n'ai pas pu me retenir, mais c'est pas vrai ! Il va tous nous tuer ce con ! »Édith se sait gravement malade. Elle a convaincu son mari et leurs quatre enfants de l'accompagner à Bâle, en Suisse, où la mort volontaire assistée est autorisée. Elle a choisi le jour et l'heure. Le temps d'un dernier week-end, chacun va tenir son rôle, et tous vont faire l'expérience de ce lien inextricable qui soude les membres d'une famille. Dans un road trip tendre et déchirant, Carole Fives dresse avec délicatesse le tableau d'un clan confronté à l'indicible et donne la parole à ceux qui restent.
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A l'heure où le débat sur la fin de vie et l'euthanasie est toujours d'actualité, Carole Fives accompagne une famille en route pour le dernier voyage de la mère. Émouvant et fort !
Parmi les machines qui hantent nos vies quotidiennes, le tapis roulant est celle qui traverse le plus insidieusement tous les secteurs d'activité : des tapis mobiles sur chaîne d'assemblage aux tapis de caisse de la moindre supérette en passant par ceux dévolus à l'exercice corporel du fitness. Travail posté, rituel consumériste et souci hygiénique de soi : trois postures qui, chacune à sa manière, nous condamnent à l'éternel recommencement d'une marche forcée.
Cet essai veut en retracer la généalogie, plus sinueuse et méconnue qu'il n'y paraît. Sans s'attarder sur les " grues à tympan " de l'Antiquité romaine, on passe en revue bien des appareils oubliés - le " moulin disciplinaire " des prisons de l'ère victorienne, le " manège à plan incliné " des agriculteurs du XIXe siècle ou le " trottoir mouvant " de l'Exposition universelle de 1900 - avant d'aborder les usages plus récents de cet outil crucial du management fordien, de la consommation de masse et du test d'effort cardiovasculaire.
Au fil de cette enquête, toutes sortes de matériaux historiques sont mis à contribution : des brevets d'obscurs inventeurs aux running gags du cinéma muet.
Et, à l'arrivée, on retombe sur notre très contemporain tapis de course, cette figure terminale du mythe progressiste : de grands bonds en avant qui, la plupart du temps, ne nous ont avancés à rien.
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Il s'est si bien immiscé dans nos vies qu'on ne le remarque plus, qu'on ne s'interroge presque plus sur la manière dont il rythme le fil de nos existences : déplacements, loisirs ou pratiques consuméristes... Dans cet essai très documenté et par là même très instructif, l'auteur retrace la généalogie du tapis roulant, devenu très vite outil de management et d'entretien de soi. Pour au final se demander, non sans ironie, si cela nous avance à quelque chose...