Semaine #6
du 20 septembre au 22 septembre
Le premier roman d'Ocean Vuong, Un bref instant de splendeur, prenait la forme d'une lettre adressée par un fils à sa mère analphabète. Dans Le temps est une mère, son deuxième recueil de poèmes, Vuong renoue avec cette voix singulière, qui témoigne de la violence des traumas autant que des éblouissements de l'amour. Confiant dans les pouvoirs du langage, le poète use ici des ressources vivifiantes de la poésie pour faire face à la perte de sa mère et donner forme à l'absence. D'un poème à l'autre, des souvenirs émergent, révélateurs des blessures de l'Amérique. D'une rare intensité émotionnelle, la langue d'Ocean Vuong casse la syntaxe pour mieux recréer un lien au point de bascule d'un vers à l'autre. Elle s'autorise des audaces formelles toujours irriguées par un lyrisme incandescent, faisant de ce recueil un sommet d'humanité, qui cherche sans cesse à préserver la beauté.
25 prêts - 3650 jours
« chaque 10 janvier de sa vie
depuis soixante ans
maman reste couchée
elle te remet au monde
c'est de ça que je veux parler
de ça et de rien d'autre »
Dans "Dix-sept ans", Éric Fottorino évoquait le fantôme qui hantait le début de son roman familial : une petite fille née trois ans après lui et aussitôt arrachée à sa mère, Lina, puis adoptée dans la clandestinité d'une institution religieuse bordelaise. "Mon enfant, ma soeur" est d'abord la quête de cette inconnue. Ce monologue sensible, long poème en prose, se transforme peu à peu en une sidérante enquête qui conduira le narrateur sur la trace de sa soeur disparue. Éric Fottorino continue sa bouleversante recherche d'identité entamée en 1991 avec "Rochelle", et poursuivie depuis avec "Korsakov" et "L'homme qui m'aimait tout bas".
Laurent Poitrenaux restitue au plus près l'émotion et la poésie contenues dans ce puissant roman familial.
25 prêts - 3650 jours
La jeune fille hors norme de ce livre pas comme les autres n'aime que des choses très précises : le film À ma soeur de Catherine Breillat, mâcher des Dragibus et des Fraizibus avec du chocolat au lait, Amour, gloire et beauté mais uniquement les scènes dans lesquelles apparaît Sally Spectra, jouer des tours cruels à son amant, le roman Le Diable à Cristoforo de la collection Harlequin, ou encore se toucher en toute discrétion dans le rayon enfant d'un grand magasin. Mais ce qu'elle adore par-dessus tout, c'est son frère si étincelant, séducteur invétéré chez qui elle squatte. Donc, forcément, toute sa haine se porte vers celles qu'elle appelle les possibelles : les conquêtes de son frère, prétendantes au titre de petite amie officielle. Elle fera tout pour les percer à jour et les éliminer l'une après l'autre. Ce n'est pas parce que tout le monde la trouve grosse et bizarre qu'elle laissera ces filles à la mode menacer son monde.
Dans À mon frère, E. L. Karhu met en scène une inadaptée magnifique et inoubliable.
30 prêts - 2190 jours
Une victime, trois témoins, une vidéo
Une agression sexiste survient devant un arrêt de bus, en pleine journée, au milieu de la foule.
La victime : une jeune femme, Adèle, aspirante écrivaine, vêtue ce jour-là d'une robe jaune.
Parmi les témoins : Virginie, une enseignante idéaliste, qui a eu le réflexe de filmer la scène avec son portable ; Myriam, une collégienne de douze ans mal dans sa peau ; Joaquim, un étudiant maladroit qui s'interroge sur l'amour et les filles.
Ils ne se connaissent pas, mais le hasard de s'être trouvés au même endroit à ce moment précis va lier leurs destins. Entre révélation sur soi et prise de conscience féministe, ces quatre individus s'apprêtent à voir leur vie complètement bouleversée.
Un roman coup de poing qui rappelle que « la rue est à nous » et que la honte doit changer de camp. Car nous sommes toutes des filles en jaune.
30 prêts - 60 mois
« Je n'ai jamais su guérir de mon penchant pour le rêve. Peut-être y étais-je prédestiné. Fagus, le mot latin à l'origine de mon nom, ne veut pas seulement dire hêtre, mais aussi fées. Le rêve a toujours demandé un effort, un arrachement à la crudité des choses. De nos jours, à l'heure des pandémies, des catastrophes naturelles et de l'intelligence artificielle, cette activité en deviendrait presque héroïque... »
A la recherche de son père, homme de papier et de mots disparu trop tôt, Samuel Dufay puise dans ses souvenirs réels ou fantasmés, et nous conduit dans un Paris secret, loin de la vie numérique, où les cabines téléphoniques jouxtent les kiosques à journaux. Jeune hussard du « futur bon vieux temps », mélancolique et souriant, il emprunte les chemins d'Antoine Doinel, de Nestor Burma et les couloirs des rédactions qu'il imagine encore enfiévrées. Il y cherche l'aventure, la fulgurance, le coup de foudre, mais aussi l'appartement de la rue Lamarck où a grandi son père, la maison de vacances du Pays basque et, désormais, le cimetière... Les êtres partent mais il nous reste les mots, pour ne jamais dire adieu tout à fait. Des pages douces et tristes, comme un dessin de Sempé.
30 prêts - 60 mois